Lukas de Rougemont

Allocution du Président
Assemblée des délégués – 31.01.2024

L’année dernière, nous, producteurs de semences et de plants, avons à nouveau été confrontés à quelques obstacles. Tout d’abord, un printemps humide nous a demandé beaucoup de patience. Les semis et plantations tardifs à très tardifs de maïs, de soja et de pommes de terre ont été suivis d’un été sec et chaud. Cela n’a pas favorisé les cultures de pommes de terre. Si la récolte de nos céréales a donné des rendements satisfaisants et d’excellente qualité, les producteurs de plants de pommes de terre ont, en revanche, fait la grimace lors des estimations de récolte. Une récolte décevante pour la troisième année consécutive : des plantations trop tardives avec trop de compromis acceptés, la sécheresse estivale et de nombreux refus dus aux viroses. swisssem doit se contenter de la plus petite récolte de plants de pommes de terre depuis sa création. Par conséquent, ce thème est actuellement dominant chez swisssem et dans toute la branche de la pomme de terre. Je me permets donc de m’étendre un peu sur ce sujet.

Le manque de plants n’est pas une  » préoccupation interne à swisssem « , une  » affaire de famille  » entre les producteurs de plants et les établissements multiplicateurs. Non, cela a pris une dimension bien plus importante. Ces jours-ci, on nous montre clairement ce que cela signifie lorsque nous, producteurs de plants, ne pouvons remplir que partiellement notre mission. À la diminution de la motivation de cultiver des plants de pommes de terre en Suisse, un phénomène encore très récent, s’ajoute un nouveau facteur, à savoir une pénurie de l’offre de plants de pommes de terre dans toute l’Europe. La soupape « importation », jusqu’à présent toujours fiable, est partiellement déficiente.

Ce n’est pas une question de pouvoir d’achat ou de prix, non, la marchandise n’est tout simplement pas disponible. Il est déjà question de « plants de secours », c’est-à-dire de pommes de terre de consommation qui doivent être utilisées comme plants. Nous constatons que la nervosité s’étend à tout le secteur. À juste titre, car un manque à gagner menace à tous les niveaux de la chaîne de création de valeur et la sécurité de l’approvisionnement est en partie menacée. Le fait que le marché ne puisse pas être approvisionné en quantités suffisantes avec des plants certifiés serait en soi déjà suffisamment ennuyeux. Mais pour nous, producteurs de plants, le manque de lots de multiplication, qui ne peuvent pas être obtenus en Suisse ou en Europe, ou seulement très difficilement, est bien plus tragique. Les surfaces des producteurs de plants motivés ne peuvent donc pas être plantées en raison de ce manque de plants. Si la situation des importations reste tendue à l’avenir, cette problématique se répétera l’année prochaine et s’aggravera probablement encore. Je n’ai pas besoin de vous expliquer l’effet de multiplication.

Cela montre clairement l’importance, la portée stratégique d’une production indigène de variétés. Chaque effort au service de la production de plants de pré-base, qu’il s’agisse du travail en milieu aseptisé de Daniel Page avec la micropropagation, de la culture laborieuse en caissettes sous serre protégée, des muscles douloureux et des mains endolories par la pose de filets de protection pour la culture sous tunnel : chaque geste a été récompensé. Je rends hommage à tous ceux qui s’y investissent et les remercie, au nom de swisssem, pour leur engagement supplémentaire ! Cet important travail de développement, entièrement entre nos mains, constituera également à l’avenir une base solide pour une disponibilité fiable des plants au profit des producteurs de pommes de terre et de toute la branche. Oui, les solutions ne tombent pas du ciel, mais nous devons nous-mêmes trouver des solutions.

swisssem s’est fixé pour objectif d’analyser la situation difficile de la production de plants de pommes de terre et en particulier le découragement de nos producteurs. Nous avons besoin d’une évaluation sérieuse de la situation. Logiquement, nous n’avons que peu, voire pas d’influence sur la météo et le climat qui, en fin de compte, remplissent nos paloxes, mais d’autres facteurs intéressants vont se révéler, pour lesquels nous espérons disposer d’une plus grande marge de manœuvre afin d’inverser la tendance. À cet égard, les augmentations de prix des plants décidées par swisssem à partir de la récolte 2022 vont dans la bonne direction et sont soutenues par la branche. Parallèlement, nous demandons avec insistance une augmentation des contributions aux cultures particulières pour la production de plants, mais aussi pour la production de semences de graminées, de trèfle, de maïs et aussi de céréales. Nous sommes reconnaissants pour le partenariat et les précieux services de l’OFAG et en particulier d’Agroscope, qui contrôle et fait respecter les exigences légales en matière de santé des plantes et atteste des normes de qualité élevées au moyen de la certification. Nous attendons avec impatience et confiance le renouvellement du contrat entre l’OFAG et swisssem en ce qui concerne la délégation des contrôles dans la production de plants de pommes de terre, même si un round de négociations supplémentaire est encore nécessaire dans ce dossier.

swisssem s’est fixé pour objectif de créer les meilleures conditions cadres possibles pour ses membres, afin qu’une production rentable de semences et de plants soit également assurée à l’avenir. Pour cela, nous avons besoin – et j’en arrive à la fin de mon intervention – d’une politique agricole fiable qui ne se contente pas de promouvoir l’extensification de manière unilatérale et idéologique, mais qui prenne à nouveau conscience de l’importance de la production végétale et en particulier des grandes cultures pour l’ensemble de l’économie alimentaire et qui assume ses responsabilités. Le fait que le peuple suisse doive voter cette année une nouvelle fois sur une demande d’extensification extrême, l’initiative dite « Biodiversité », nous montre de manière exemplaire à quel point nos exploitations agricoles sont sous pression. Et ce, à tort ! Je suis convaincu que swisssem, avec les principales organisations de grandes cultures, mais aussi l’Union suisse des paysans, a le devoir de s’unir et de faire entendre sa voix.

Cela peut paraître un peu pathétique, mais c’est nécessaire, car je pense que certains signes des temps ne sont plus interprétés correctement. Non pas que nous devions, à l’instar de nos collègues allemands avec les manifestations des agriculteurs, renverser un gouvernement incapable. Non, mais nous devons montrer le mieux possible ce dont nous avons besoin, en partant de la base et en nous adressant à la politique, à l’administration, aux médias et aux consommateurs. Nous devons expliquer où nous mènera la ligne de conduite choisie, à savoir des baisses de prix, une liste d’intrants réduite, une biodiversité supplémentaire et une structure de paiements directs compliquée. Elle conduit clairement à un affaiblissement des grandes cultures suisses avec une perte de valeur ajoutée sur un large front, une dépendance accrue vis-à-vis des denrées alimentaires étrangères et la restructuration de nombreuses exploitations. Une telle évolution n’est pas dans l’intérêt d’un secteur « grande culture » fort et diversifié au service de la sécurité alimentaire, conformément à l’art. 104a de la Constitution fédérale. Il n’est pas non plus dans l’intérêt de notre Fédération des producteurs de semences, où nous devons continuer à compter sur des volumes de récolte prévisibles et une qualité aussi constante que possible.

Je suis convaincu que la crise actuelle des plants de pommes de terre aura finalement aussi son côté positif. Si elles sont bien comprises, les crises peuvent aussi être porteuses des germes de la solution. Nous sommes demandés et sollicités, notre travail est apprécié, nous sommes très bien organisés au niveau régional et national. Nous sommes une partie notoire de la solution.
Je déclare ainsi ouverte la 102e assemblée des délégués